Au secours, venez Noos en aide

Publié le par Ludo

Article extrait de Libération.fr

Sourd, aveugle, muet. Si l'on en croit de nombreux abonnés à Noos-Numericable, leur opérateur se comporte comme les trois singes de la tradition bouddhique. Résignés, désespérés ou exaspérés, les clients affluent dans les boutiques des deux réseaux câblés, aujourd'hui regroupés (1). Place de la République à Paris, devant l'un des quatre magasins parisiens de Noos, cinquante à cent personnes poireautent tous les jours depuis plusieurs semaines. Deux vigiles et un système de tickets, comme à la Sécu, en limitent l'accès. Abonné à l'offre bien nommée «Zen», Paul Lévy vient «pour la cinquième fois», dit-il. Il veut signaler de nombreuses coupures dans la réception de la télé et s'étonner de 50 euros de «frais exceptionnels».  Titulaire d'une carte «station debout pénible», il rebrousse chemin au bout d'une heure. Sans avoir pu exposer son cas.

 

C'est «Ubu et Kafka» 

 

Sur le trottoir, tous les clients se plaignent d' «erreurs de facturation», d' «interruption de service» ou de «service après-vente désastreux». Et montrent des doubles de lettres recommandées restées sans réponse, des factures ayant fait la culbute. Jacques Bertrand, technicien dans l'aéronautique, abonné à la télé et au Net, vient de découvrir qu'il «bénéficie» du téléphone par le câble. Sans l'avoir demandé, affirme-t-il. Pour Brigitte Tolian, retraitée, c'est «Ubu et Kafka» : Noos vient de lui envoyer un courrier, reçu le 6 février (selon le cachet de la poste), contenant une lettre datée du 30 septembre, lui donnant un rendez-vous d'installation pour le 26 octobre... Faouzi Fertani, 32 ans, veilleur de nuit, a vu son abonnement au Net facturé deux fois en août. Il a résilié début novembre. Il n'a toujours pas obtenu le remboursement du dépôt de garantie et de la surfacturation. Quelques exemples parmi d'autres, plus ou moins similaires. Evidemment, tous se sont d'abord adressés à la hot-line téléphonique, en payant 0,34 euro/la minute. Celle-ci n'est parfois pas joignable, comme lundi dernier. Sinon, ils tombent sur des plateformes délocalisées en Tunisie et au Maroc, et complètement dépassées.

 

Philippe Besnier, PDG de Noos-Numericable, tente de déminer : «Nous avons effectivement identifié chez Noos 60 000 comptes clients pour lesquels il y a des couacs.» Assumant ces dysfonctionnements, sans invoquer «ni excuse ni ignorance», il assure mettre le paquet pour y remédier. Et avoir «traité hier [mardi] plus de 1 000 remboursements». Le PDG promet que «la majorité des dossiers seront réglés dans les trois semaines». Encore faut-il «compter deux-trois mois pour que tout soit parfait». Mais, ajoute-t-il, «la grande majorité de nos 3,5 millions d'abonnés sont satisfaits». 

 

Manque de bol pour les clients, la gestion de la facturation, externalisée aux Pays-Bas, a été rapatriée en France, fin janvier. D'où la pagaille actuelle. Ce n'est pas tout. Un plan social vient de s'achever, avec le départ de 792 personnes, sur un effectif de 1 341, au profit de sous-traitants. Mieux, vu la vétusté de certains réseaux, un méga plan de modernisation est en cours. Ce qui entraîne travaux et perturbations en série ainsi qu'un engorgement des centres d'appel. Pour les clients s'estimant lésés, Philippe Besnier annonce des dédommagements «au cas par cas». 

 

Clients captifs et démunis 

 

La DGCCRF, gendarme de la consommation, dit avoir reçu de «nombreuses plaintes» depuis le début de l'année. Une bonne centaine, selon nos informations. Noos-Numericable étant présent dans 1 200 communes et couvrant 99 % du câble hexagonal, les Parisiens ne sont pas les seuls touchés. A Sablé-sur-Sarthe par exemple, le député UMP Marc Joulaud relève «une qualité de service défaillante, la difficulté de résilier et la modification de prélèvement sans que les gens en soient préalablement informés» . Dans cette ville, où 35 % des habitants sont logés dans le parc social, la clientèle est «captive et démunie», souligne l'élu. Aussi suggère-t-il à ses administrés de suspendre les prélèvements. Marc Joulaud s'est même fendu mardi d'une question orale au gouvernement. Il lui a été répondu : «La DGCCRF continue d'exercer une vigilance accrue sur ce secteur et n'hésitera pas à s'engager dans une voie répressive à l'encontre des acteurs à l'origine de pratiques commerciales agressives ou déloyales.» 

 

Dépôt de plainte 

 

A Vitré (Ille-et-Vilaine), une association s'est constituée en septembre sous l'appellation «Les Déçus du câble». Si son président Marcel Lacour admet une «amélioration de la réception depuis novembre» ­ après la visite du PDG en personne ­, il ne décolère pas contre l'opérateur. Principal grief : pousser les abonnés analogiques à passer au numérique, évidemment plus cher (2). A noter que les «déçus» de Vitré vivent dans des lotissements où le propriétaire a imposé le câble et interdit toute antenne ou parabole. Pas facile de résilier dans ces conditions. Un peu perdu dans le maquis technologique, le président de l'association dit ignorer que la TNT est disponible, même pour l'abonné analogique. «Il suffit d'aller chercher à Rennes un décodeur spécifique, sans frais supplémentaires, hormis une caution de 75 euros», certifie Jean-Pierre Galera, directeur des régions ouest et sud-ouest. Marcel Lacour est bien allé à Rennes le 7 février, mais pour déposer plainte auprès de la Répression des fraudes. Réponse de Noos-Numericable à l'association : une lettre de «mise en demeure» lui demandant de cesser ses «déclarations injustifiées» dans la presse.

 

Reste que l'opérateur n'est guère disert sur la TNT ou sur le service antenne universel, bien moins lucratifs. Ses sites Internet n'en parlent pas. Les pages d'accueil sont muettes, tant sur les travaux en cours que sur la migration du serveur néerlandais. Et versent dans l'abscons à propos de la nouvelle facturation. Après avoir décidé d'investir 350 millions d'euros dans la fibre optique et avoir embauché, en octobre, 154 commerciaux, le câblo-opérateur serait bien inspiré de privilégier un autre chantier : communiquer auprès de ses abonnés. Moins onéreux et sans doute plus payant.

 

Par Marie-Dominique ARRIGHI

Publié dans Actualité

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